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3 juillet 2025

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Quand les jours rallongent

© DR

Fin septembre 2021, à Crupet, un village de pierres et de silence. Une marche est organisée par le cercle local de randonneurs. Ils sont une petite vingtaine, bottines aux pieds, bâtons dans les mains, thermos dans le sac. Parmi eux, Jeanne, 70 ans, silhouette droite, regard clair. Ancienne institutrice à Jambes, elle vit seule depuis longtemps.

Plus loin dans le groupe, Marcel, 75 ans, ancien architecte de Namur, veuf depuis six ans. C’est son petit-fils qui l’a inscrit. Il marche à son rythme, un peu à l’écart, observateur discret, en pull bleu marine et casquette en laine. Il remarque Jeanne quand elle s’arrête pour caresser un chat. Elle remarque Marcel quand il s’excuse d’avoir marché sur une fougère « comme si elle était vivante ».

Ils échangent quelques phrases anodines : la beauté du sentier, la lumière douce, les fleurs qui surgissent partout. À la pause, il lui propose un café de son thermos. Elle accepte, en souriant. C’est simple comme bonjour, et pourtant, c’est autre chose. Ils se quittent ce jour-là sans se promettre quoi que ce soit. Mais le dimanche suivant, Marcel est à l’entrée du marché de Namur. Il a appris par un autre randonneur qu’elle y allait toutes les semaines.  Les mois passent. Ils s’apprivoisent. Jamais de grands élans, mais une tendresse grandissante. Un jour, Jeanne l’invite à venir ramasser des noix dans son jardin à Wépion. Il se présente avec une échelle et un sac en toile. Il monte dans l’arbre, elle rit. Il descend, il lui lit à voix haute un poème. Elle est très émue.

Le 5 décembre, elle l’embrasse pour la première fois, après une promenade dans la neige, Jeanne dit : « Il fait froid, mais pas entre nous ». Ils ne vivent pas sous le même toit, non. Ils tiennent à leurs habitudes. Mais ils passent les lundis ensemble, les vendredis aussi, et parfois des mercredis « quand le temps le permet. » En juin 2024, ils organisent un « goûter amoureux » dans une prairie située à mi-chemin entre leurs deux maisons. Tisanes, tartes, nappes brodées, guirlandes, ils chantent, dansent un peu et Marcel joue du hautbois, celui qu’il a ressorti du grenier après quarante ans de silence.

Aujourd’hui, ils apprennent l’italien, « juste pour le plaisir de dire je t’aime autrement ». Ils vivent l’instant, le jour et la lumière qui rebondit entre les branches.

Annie GEORGES

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